Margot Phaneuf, inf., Ph. D.
Août 2012
« Être en accord de pensée et de cœur avec une personne est difficile, mais si nous commencions par un accord de posture et d’attitude, il y aurait peut-être de l’espoir… »
La synchronisation, telle qu’elle est vue en Programmation neuro-linguistique (PNL), fait appel à des modes d’adaptation archaïques et même automatiques que nous appliquons à notre insu. En effet, nous adoptons souvent des comportements synchronisés sans même nous en rendre compte. Il arrive à tout le monde de prendre la même position qu’une autre personne au restaurant ou au cours d’une réunion, surtout lorsque nous nous sentons à l’aise et en confiance. Nous connaissons aussi tous d’instinct la synchronisation faciale lorsque nous sommes en présence d’une personne triste qui a subi une épreuve et nous adoptons naturellement un peu la même expression pour nous adresser à elle. Un mécanisme semblable est utilisé en PNL pour faciliter la communication, la compréhension mutuelle et l’expression de l’empathie. [1]
La synchronisation peut s’effectuer de manière verbale ou non verbale, en fonction des émotions et même du rythme respiratoire de la personne. En PNL, on la dit en reflet direct si nous harmonisons notre posture, nos gestes et notre rythme respiratoire avec ceux de l’autre. Elle est dite en reflet indirect lorsque nous transposons dans un autre registre un geste de l’interlocuteur, en synchronisant par exemple notre respiration sur le battement rythmique de la jambe d’une personne nerveuse.
La synchronisation a pour but de créer un rapport entre les interlocuteurs, de procurer une harmonie affective qui favorise la reconnaissance de l’autre et la confiance mutuelle. Par ce moyen, la personne nous perçoit semblable à elle, puisque nos attitudes, nos postures ou nos gestes ressemblent aux siens. Cette manière de faire permet de lui transmettre que nous la reconnaissons telle qu’elle est et que nous lui ressemblons. La méfiance provient souvent de l’ambiguïté ou de l’inconnu. Ainsi, puisque nous utilisons les mêmes expressions faciales ou verbales, que nous adoptons sensiblement la même posture, que nous ressentons les mêmes émotions, il est facile de croire que nous puissions la comprendre et qu’elle puisse avoir confiance en nous. La synchronisation peut aussi aider à modifier certains comportements ou certaines réactions de l’humeur.
La synchronisation respiratoire
Pour l’infirmière, la forme la plus simple de synchronisation est de calquer sa respiration sur le rythme respiratoire de l’autre. C’est une manière très efficace d’abord de sentir dans quel état intérieur elle se trouve. Est-elle dans un état de stress, d’anxiété, de souffrance ou de calme? Notre respiration accordée sur la sienne saura nous le dire. Puis en modifiant progressivement notre propre rythme respiratoire, la synchronisation, ce mécanisme puissant, presque instinctif, lui permet ensuite d’arriver à ralentir sa respiration, à calmer son anxiété et à lui communiquer un état plus relaxe.[2]
Le synchronisme respiratoire facilite ensuite une autre forme d’harmonisation, celle de la voix, de sa tonalité, de son volume et de son rythme d’élocution qui, eux aussi, traduisent les états d’âme profonds de la personne et nous indiquent par quel canal la rejoindre. Une voix aiguë ou tendue dénote une préférence visuelle, alors qu’une expression vocale grave et profonde traduit un accès kinesthésique et la voix claire et forte, un mode de représentation plutôt auditif.
Le ralentissement progressif déjà évoqué pour la respiration, la pause dans le débit des paroles ainsi que la baisse de tonalité de la voix peuvent aussi entraîner un effet calmant des états d’anxiété et de stress. La rapidité du débit verbal recèlerait aussi des indices intéressants. Un débit rapide serait caractéristique d’une préférence visuelle, un tempo lent, du recours à un mode kinesthésique et un débit qui se situe entre ces deux extrêmes dénote un accès auditif. L’adoption d’une voix aux intonations plus légères et plus gaies peut dans certains cas, avoir un effet d’entraînement pour les personnes dépressives.
La synchronisation respiratoire peut aussi s’utiliser avec avantage dans les soins généraux et en pédiatrie, entre autres auprès d’un enfant asthmatique en crise. Sans négliger la médication à administrer, la synchronisation de notre propre respiration sur sa respiration rapide, puis réduite progressivement, peut réussir à calmer sa grande anxiété et à faciliter sa respiration.
La synchronisation des émotions
La synchronisation des émotions s’avère aussi une tactique efficace à laquelle l’infirmière peut recourir. Une différence émotionnelle trop grande entre deux interlocuteurs peut provoquer de l’exaspération et même couper la communication. L’observation et la calibration permettent de bien cerner l’état émotif de l’autre et de tenter de s’en approcher pour faciliter ensuite, un changement au niveau émotif. Cette stratégie de la PNL que l’on appelle aussi « mimétisme comportemental » demande, en plus d’un accord sur le plan émotif, un synchronisme de la posture, des expressions faciales et des gestes qui ponctuent le discours de la personne. La soignante qui désire établir un bon rapport avec elle doit être attentive à l’expression de son visage et à son langage corporel, car ils traduisent ses émotions intérieures. La mobilité des traits des postures et des gestes en sont d’importants indicateurs.
L’infirmière doit être attentive à présenter au client une expression et un langage corporel qui s’approchent de ce qu’il vit. Par exemple, une expression faciale trop gaie devant un patient triste n’est pas appropriée. L’infirmière doit donc présenter une expression qui reflète un peu celle du client et la synchronisation avec certains de ses gestes ou avec sa posture lui permet de se situer à l’unisson de ses émotions et de ses réactions.
Par exemple, si la personne croise la jambe ou appuie le bras sur la table, l’adoption du même comportement aura pour effet de la mettre plus à l’aise. Cette réaction est encore plus marquée si un lien soignante-soigné solide s’est déjà installé et, d’ailleurs, un mimétisme inconscient est souvent observé chez les personnes émotionnellement liées. Par ailleurs si le sujet est tendu présente une posture fermée et protectrice en croisant les bras, le recours au départ à la même attitude, suivie ensuite par une position plus détendue, pourra avoir un effet bénéfique.[3]
La synchronisation du langage
La synchronisation peut aussi se réaliser par le langage avec une réponse en miroir, c’est-à-dire, en répondant avec à peu près avec les mêmes termes que ceux utilisés. Synchroniser son discours sur celui de l’autre c’est lui répondre par des expressions similaires aux siennes. Par exemple si elle dit « Je me sens enfermée dans cette situation… » Ou encore, si elle exprime « Je ne vois pas d’autres perspectives », l’infirmière peut lui dire « Vous vous sentez prisonnière de cette situation » ou « Vous ne voyez pas de moyen de vous en sortir ».
Toutefois, avant de pouvoir synchroniser ses paroles sur celles de l’autre, il est utile de se demander quel canal sensoriel elle privilégie afin de tenter de demeurer dans le même registre.
Le recours à différents canaux sensoriels
Par exemple, si elle recourt à des termes qui réfèrent à la vue comme « Je ne vois pas bien où je m’en vais. » Ou « Les perspectives qui se présentent sont limitées », il est bien de lui répondre en utilisant le même canal préférentiel en lui disant par exemple, « Avec le temps vous pourrez découvrir quel est le meilleur chemin.» Ou «Peut-être que dans le moment vous ne voyez pas toutes les possibilités qui s’offrent à vous.»
Cette façon de faire se fonde sur la nécessité de nous intéresser à son système de représentation, à tenter de comprendre sa carte du monde. Comme être humain, lorsque nous entrons en contact avec l’extérieur, nous percevons la réalité à travers nos cinq sens dont la sensibilité (visuelle, auditive, kinesthésique, olfactive et gustative) véhicule les stimuli vers le cerveau où se forment nos représentations du réel. L’observation a démontré qu’une personne privilégie généralement l’un de ces canaux pour décoder la réalité et pour s’exprimer. C’est pourquoi en PNL, on s’intéresse à saisir, par l’expression et le comportement du communicateur, les indices du canal utilisé afin de comprendre lequel il favorise dans cette situation et de saisir de manière générale sa façon de se représenter le monde. Et cela pour créer un lien puissant avec lui pour ensuite intervenir de manière appropriée.[4]
Ainsi, l’utilisation préférentielle d’un mode perceptuel se manifeste par les mots que nous choisissons. Par exemple, celui qui privilégie le visuel recourt à des termes tels que « Je vois bien », « Cela se perçoit à première vue. » Ou « Cela me semble obscur. » Ou encore, « C’est comme noir sur blanc », « Selon mon point de vue », ou « D’après cette perspective… ».
La personne qui utilise le canal auditif se sert d’expressions comme « Je me dis que… » », « Cela me parle. » Ou « Cela ne me dit rien », « Qu’est-ce que vous me chantez là? », « Vous ne semblez pas m’entendre », « Je prête l’oreille. », « Je me questionne sur… », « Écoutez, je me suis laissé dire… ». Image.[5]
Et la personne plutôt kinesthésique utilise des expressions telles que « Je sens que vous avez raison », « Je saisis ce que vous voulez dire. » Ou « Je me laisse prendre au jeu » , « Il penche dans cette direction. », « Je vis beaucoup d’émotions. » Ou « Tu t’inclines devant le sort. », « Il touche au but. », « J’éprouve de la difficulté à… », « Je ne me sens pas bien face à cette situation. », « Je trouve ce climat lourd. » Ou « Il faut se serrer les coudes.»
Pour la personne à préférence gustative et olfactive, on trouvera des expressions comme « Cette affaire ne sent pas bon », « L’expérience m’a laissé un goût amer », « Je me délecte de l’entendre », « Cette histoire n’est pas de mon goût », « Je ne peux pas le sentir. » Il faut toutefois préciser que certains prédicats sont neutres. Des termes comme penser, comprendre, savoir, créer, anticiper ne font appel à aucun canal en particulier.
En approche PNL, on attache une grande importance à découvrir quel est le principal canal perceptuel ou système de représentation de la personne afin d’y recourir nous-mêmes et de nous adresser à elle d’une manière qui lui soit acceptable. Cette observation nous permet en même temps de mieux comprendre ce qu’elle exprime en saisissant quelle partie de son expérience devient importante pour elle. Est-ce ce qu’elle entend, ce qu’elle voit ou ce qui la touche. Et, afin de la rejoindre dans ce qu’elle vit, il est en conséquence utile que la soignante se place à son niveau et pour ce faire utilise le même canal. Les tableaux qui suivent fournissent une synthèse des divers termes propres à chaque canal sensoriel.
PRÉDICATS REPRÉSENTATIFS DU CANAL VISUEL
PRÉDICATS REPRÉSENTATIFS DU CANAL AUDITIF
PRÉDICATS REPRÉSENTATIFS DU CANAL KINESTHÉSIQUE
PRÉDICATS REPRÉSENTATIFS DU CANAL GUSTATIF ET OLFACTIF
La synchronisation, qu’elle soit avec les gestes, la posture ou les prédicats utilisés, favorise la communication, mais dans certaines circonstances, on cherchera plutôt à établir une désynchronisation. Ce désir peut naître, par exemple, de notre volonté de montrer à la personne que l’échange tel qu’il se déroule ne lui est pas bénéfique ou que l’on ne veut pas poursuivre la conversation de la manière où elle est engagée.
Il est aussi nécessaire d’observer et de noter la présence d’une désynchronisation, une dysharmonie entre les mots exprimés et les gestes qui sont posés ou les comportements adoptés. Les paroles peuvent être bienveillantes, mais si le ton de la voix, le regard, le visage ou la contraction de la main présente une forte tension, il y une discordance entre le verbal et le non verbal que la soignante doit remarquer et questionner au besoin.
Conclusion
Que l’on applique la PNL de manière suivie ou non, la synchronisation peut se révéler utile lors des entretiens avec le client. C’est un moyen d’observation qui nous renseigne sur son monde intérieur; il nous permet de mieux communiquer et d’établir avec la personne un véritable dialogue qui part de ses intérêts, de sa propre manière de voir le réel. Pour communiquer en soins infirmiers, il ne suffit pas de parler, mais surtout de faire en sorte de bien rejoindre la personne dans son expérience. La synchronisation est une intervention simple de la PNL qui rend cette nécessité possible.
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